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La parentalité au sein d'une famille recomposée

Dernière mise à jour : 20 mai 2020

"Tu n'es pas ma mère"

Dans cette seconde partie nous étudions les problèmes inhérents à cette place particulière de la belle-mère et du beau-père, qui accompagnent la mutation de la famille.

Comme nous avons conclu plus haut sur l’importance de l’accompagnement du parent, nous voudrions montrer que les beaux-parents ont a fortiori grand besoin d’être soutenus voire guidés dans leur positionnement au sein de leur famille recomposée. Estimée au départ de leur apparition comme une forme familiale déviante, les familles recomposées restent caractérisées par des difficultés relationnelles entre beaux-parents et l’enfant ou les enfants du foyer. C’est l’image de Cendrillon victime de sa marâtre, de Hansel et Gretel abandonnés en pleine forêt sous les injonctions de leur belle-mère. Les contes au sujet de « parâtres » (le terme existe) sont plus rares.

On assiste depuis les années 90 à une explosion de la littérature enfantine avec un renversement du regard. Sylvie Cadolle, sociologue de la famille, a constitué en 2001 une thèse sur les familles recomposées, où elle montre que la famille recomposée n’est plus « cette cellule familiale déstructurée, où la belle-mère est cruelle et jalouse, mais une joyeuse tribu où l’enfant se doit d’accepter ou plutôt même de choisir ces nouveau membres ». Sous une influence médiatisée, la famille recomposée est valorisée comme étant le critère d’évaluation d’un divorce et d’un après divorce réussis. Elle écrit : « La capacité à recomposer une famille est le signe que l’on a dépassé les séquelles négatives du divorce, et que l’on offre à ses enfants une structure familiale proche du modèle traditionnel et donc conforme à leurs intérêts ». Ainsi, les familles monoparentales deviennent alors « l’anormalité » familiale.

Les chiffres relatifs à la place des familles recomposées dans la société française actuelle vont nous rendre à l’évidence que ces problématiques de « beau-parentalité » sont réelles et à prendre en considération dans le profil de beaucoup d’enfants, et de parents.

Quelles sont les difficultés spécifiques de la « beau-parentalité » ? Quels sont les aides ou accompagnements qu’il est possible de proposer au beau-parent, afin de le soutenir dans la définition de sa place, la place qu’il souhaite lui, compte tenu de sa biographie, et compte tenu de l’absence de codes et de normes et de l’incertitude des rôles. La posture du psychopraticien face à un client beau-parent doit être renseignée au mieux par un cadre théorique, historique et sociétal. Sa pratique peut-être éclairée par la spécificité de la situation.

Un beau-parent, et là est le paradoxe, vit avec l’enfant, peut l’éduquer, créer avec lui un lien affectif ou non, être présent au quotidien ou pas, mais il n’est « pas le parent », et la législation ne lui accorde aucun droit sur l’enfant, en dehors de la délégation explicite et officielle des deux parents biologiques.

Place des familles recomposées dans la société française

En France, le Centre d’Observation de la société a été créé en 2011. Son objectif est d’alimenter un état des lieux, de dégager des tendances de fond, et de donner au citoyen un ensemble d’outils (sources, définitions, etc.) pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la société française. Il nous permet d’avoir un regard sur la famille et sur la famille recomposée du point de vue des chiffres.

Les familles recomposées, c'est-à-dire « des familles où les enfants ne sont pas tous ceux du couple actuel », sont des constellations familiales issues d'unions successives qui rassemblent parents, beaux-parents, grands-parents, frères, demi-frères et quasi frères et sœurs. Elles sont désormais une réalité importante dans toutes les sociétés occidentales.

En France 720 000 familles, soit 9,3 % de l’ensemble, sont recomposées, selon les données 2011 de l’Insee, cité par le COS. Ces familles rassemblent 1,5 million d’enfants, soit un peu plus d’un enfant sur dix, alors que 18 % vivent dans une famille monoparentale et 71 % dans une famille que l’Insee appelle « traditionnelle », c’est-à-dire composée des deux parents et sans demi-frères et sœurs. Globalement, sur dix enfants, sept vivent avec leurs deux parents, deux dans une famille monoparentale, et un dans une famille recomposée.




Les familles recomposées sont à géométrie variable. Dans les deux tiers des cas (64%), les enfants vivent avec l’un de leur parent et un beau-parent : le couple s’est séparé puis recomposé. La moitié des enfants des familles recomposées vivent avec leur mère (50%) et son nouveau conjoint, 14 % avec leur père et sa nouvelle conjointe. Un déséquilibre qui résulte du fait que les pères demandent beaucoup plus rarement la garde des enfants que les mères suite à une séparation. Le tiers restant (36%), sont des enfants qui vivent avec leurs deux parents et des demi-frères ou sœurs d’une précédente union.



Au sein des familles recomposées, les combinaisons sont très diverses, mais soulignons déjà, en terme numérique, l’importance de la place de la mère, quelque soit la configuration familiale.

Les compositions sont très diverses d’une famille recomposée à l’autre. Le modèle le plus courant est celui d’une famille recomposée où un enfant vit avec sa mère et son beau-père, cohabitant avec son demi-frère ou sa demi-sœur issus du couple.



Dans son étude sur les familles recomposées, l'Insee s'intéresse aussi au "nouveau conjoint" du parent qui a la garde de l'enfant, et au rôle qu'il joue dans sa vie. Sept enfants sur dix avec un beau-parent, ne logent pas régulièrement chez leur autre parent, constate l'Institut. Conséquence : les parents non biologiques, le plus souvent les belles-mères, jouent un rôle crucial dans l'éducation.

Cependant l’absence de repères et de références concernant le rôle du beau-parent propulse les familles recomposées dans l’inconnu et la débrouille. Le beau-parent est présent dans la vie quotidienne de ses beaux-enfants, mais il n’existe pas aux yeux de la loi.

« Vous vivez avec l’enfant, vous en assumez la responsabilité, vous contribuez à son entretien, vous participez à son éducation. Si ça se trouve il vous envoie des sms tous les jours à votre travail … vous êtes très impliqué affectivement et lui aussi. Et pourtant, vous n’existez pas ! Si votre couple éclate demain parce que votre compagne vous quitte, ou meurt, vous pouvez très bien ne jamais revoir cet enfant… C’est LE paradoxe du fait d’être beau-parent : Vous partagez le quotidien d’un enfant, mais juridiquement vous n’êtes rien !». Il y a un vide juridique que des associations de familles recomposées cherchent à combler.

Pour l’heure, c’est la loi de mars 2002 qui fait autorité. Elle permet d’obtenir la délégation volontaire d’autorité parentale. Le beau-parent peut partager l’autorité parentale en toute légalité avec les parents biologiques, par exemple pour garder l’enfant en l’absence de votre conjoint, aller le chercher à l’école, l’aider à faire ses devoirs ou encore prendre la décision de l’emmener chez le médecin s’il se blesse. Mais il doit en faire la demande au juge aux affaires familiales avec l’accord obligatoire des deux parents.

Les difficultés rencontrées dans la « beau-parentalité »

Au sein de la famille recomposée, les places sont à définir ensemble et le beau-parent peut alors être reconnu par ses proches, au sein du foyer.

Même s’il n’est pas reconnu et ne détient pas d’autorité parentale sur l’enfant, le beau-parent peut être considéré par les parents comme un relais éducatif, un tuteur périphérique non institué.

Le beau-parent a besoin d’un soutien et d’une légitimation par les parents pour se faire sa place au sein de la famille et éviter des conflits de loyauté de la part des enfants entre les parents et des beaux-parents. Si elle a fait les beaux jours des séries télévisées, version idyllique, la vie de ces nouvelles tribus n’est pas toujours rose. Jalousies à arbitrer, difficultés à trouver sa place, interrogations sur l’autorité, sont autant de défis à relever au quotidien.

Partant du postulat que chaque cas est unique, nous allons néanmoins tenter de dégager des problématiques rencontrées de façon globale dans les familles recomposées, dans l’optique s’enrichir d’une vision d’ensemble en qualité de professionnel de la relation d’aide.

La littérature sur cette thématique n’est pas aussi abondante que sur la parentalité directe. Cependant, les articles, ouvrages et témoignages que ces écrits relatent, nous permettent de lister des questionnements généraux.

Nous devons certifier que l’on n’énoncera pas de hiérarchie dans les questions soulevées. Le point commun entre elle, est la volonté pour la plupart des personnes engagées dans ce type de modèle familial d’harmoniser leur relation amoureuse naissante avec le vécu, le passif, l’histoire d’avant la relation. Le parent, le beau-parent, les enfants et beaux-enfants sont appelés à créer ensemble une structure qui n’a pas toujours été choisie mais que l’on peut apprendre à choisir, afin d’asseoir sa place dans des relations multiples, diverses, de façon équilibrée.

- Trouver sa place :

- Construire le lien

- Les deuils multiples

- La culpabilité

- Le maintien du couple

- L’importance de la mère biologique

- Le conflit de loyauté

- L’estime de soi

- De marâtre à marâtre

- Les biographies

Ce sont autant de lieux internes à visiter dans la prise en charge d’une famille recomposée. Qui seraient ces « visiteurs » ? - Chaque membre de la famille, dans son endroit. Mais ce ne sont pas les seuls acteurs d’harmonisation. On citera également les grands parents, les éducateurs et enseignants, les professionnels de la relation d’aide (qu’ils accompagnent les parents, les beaux-parents ou les enfants), les amis… c’est tout un système qui se déconstruit, construit, reconstruit autour de chacune des personnes vivant dans cette tribu.

Dans le cabinet de la relation d’aide il n’est pas possible d’associer strictement chaque problématique listée plus haut à un protocole thérapeutique. Les données sont en multiplicité de combinaisons et, chaque cas est à traiter de façon particulière. Ce que nous ferons ici, est d’expliciter ces difficultés rencontrées du point de vue surtout du beau-parent, particulièrement de la belle-mère, susceptible de venir demander de l’aide spontanément. (Un enfant demande rarement à aller consulter, et même si cela peut arriver, il implique la conjonction avec un adulte). C’est avec le suivi de Rosanne, dans la troisième partie, que nous proposerons une prise en charge et d’accompagnement spécifique.

· Trouver sa place : Nous l’avons vu, la juridiction n’a pas statué sur le rôle du beau parent. Il n’existe pas aux yeux de la loi française.

« Comment se situer face aux enfants de mon conjoint, qui vont vivre avec moi, dont je vais devoir m’occuper ? Je ne suis pas le parent légitime, je ne suis pas le copain, la copine, la grande sœur le grand frère, ni le tonton, la tata, ni même l’enseignant et non plus la nounou ! Que suis-je ? » La réponse est : le beau-père / la belle mère ! Titre à définir, défendre, progressivement gagner, asseoir, maintenir, et tout cela dans une assurance fière ! Le terme de marâtre désigne dans les familles recomposées des contes, celle qui a épousé le père, veuf la plupart du temps. Elle est décrite comme une sorcière maléfique et finit toujours, dans le fantasme collectif, par mourir ! La marâtre a la dent dure et encore aujourd’hui ce terme n’est pas utilisé avec bienveillance. Catherine Audibert, psychologue et psychanalyste, consacre un ouvrage entier à cette place dans les familles recomposées. Dans « Le complexe de la marâtre » elle relate l’histoire de 5 « marâtres » aux prises avec cette position parfois inconfortable. Jeanne, qui arrive très tôt dans la vie de Marine sa belle-fille, se ressent comme « l’intruse ». Elle dit : « il fallait faire ni trop ni trop peu. Faire comme la mère sans jamais laisser penser qu’on se prenait pour la mère».

· Construire le lien : Le lien existant à l’origine de cette nouvelle structure familiale est celui entre les deux adultes. Le lien entre les membres, lorsqu’ils se définissent en dehors d’un enjeu parental, se créent aussi en fonction des affinités. Il est peut-être à créer, à inventer, à faire surgir, à stimuler, mais il n’est en rien obligé. Cependant il est fragilisé par le vide juridique, qui amène tous les membres d’une famille recomposée à une grande prudence, voire à de la méfiance : les liens ne perdureraient probablement pas si une nouvelle rupture du couple intervenait ; aucun des membres ne pourrait alors faire valoir un «droit » au lien. Les résistances peuvent s’estomper avec le temps, ou se cristalliser. C’est par une introspection sincère, accompagnée, que le beau-parent peut trouver la voie du lien qu’il veut établir avec l’enfant de son conjoint. Le positionnement du conjoint est, à ce titre, une donnée essentielle. C’est lui qui est légitime à établir l’espace pour que son nouveau conjoint tisse du lien avec son enfant, autre que celui de « faisant fonction » de mère ou père. Madeleine ne voit sa belle-mère que le mercredi et le week-end. Cette dernière est monitrice d’équitation. C’est dans le club de sa fille que Jacques a rencontré sa future compagne. Elles ont tout de suite créé des liens qui dépassaient les nécessités quotidiennes. La passion des chevaux ont lié les deux : belle-mère et belle-fille.

· Les deuils multiples : Sylvie Monnier, psychologue, dans son article de la revue Gestalt « Le couple dans la famille pluricomposée. Composer avec la complexité » écrit que dans la première phase de la recomposition il y a nécessité d’acceptation des pertes. Le deuil de l’union précédente chez les adultes ainsi que celui de la famille idéale, l’acceptation de vivre moins avec ses propres enfants parfois, l’acceptation de laisser un peu de place à un autre adulte, le deuil de voir vivre ensemble ses parents chez l’enfant, sont des travaux que le membre de la famille recomposée devra entamer pour trouver un chemin vers l’harmonie interne et externe. Guillaume, également fils de Jacques, cité plus haut, se réveille régulièrement la nuit en pleurant et hurlant qu’il veut voir son père tout de suite ou sa mère lorsqu’il est chez son père. Rassembler ses parents a été pour lui un désir qui s’est estompé progressivement.

· La culpabilité : Elle peut être liée à la notion de deuil. Mais elle est surtout vivace chez le parent qui se sent responsable d’une part de séparer l’enfant de son parent biologique, et de lui « imposer » un parent de « substitution ». Ce sentiment pourra s’estomper par la prise de conscience progressive que le parent parfait est un mythe et l’harmonisation se met en place par une co-création patiente où chaque membre est appelé à s’impliquer et trouver sa place. Catherine Audidert confirme que « dès que le père (le parent) se libère un peu de sa culpabilité, dès qu’il se détache de la nécessité de réparer l’image de la mère (de l’autre parent), il peut se positionner plus clairement dans sa nouvelle famille et permettre qu’une porte s’ouvre entre sa compagne (compagnon) et ses enfants ».

· Le maintien du couple : C’est lui qui est à l’origine de cette restructuration familiale. Plus exactement c’est le lien amoureux entre les deux adultes. Il serait un peu secoué dans les premiers temps de la recomposition, car l’intimité du couple se fera plus rare. C’est justement pour cela qu’il semble important de le placer comme une force et une ressource au centre de cette nouvelle structure. « Pour être une belle-mère épanouie, affirme Dominique Devedeux, psychanalyste et spécialiste de la famille, il faut miser sur le couple. La femme aime d’abord l’homme et Elle est prête à aimer son chien, ses amis, son entourage, ses loisirs et ses enfants, mais elle ne doit pas essayer de tout gérer. »

· L’importance de la mère biologique : Dans les données numériques que nous avons énoncées plus haut, nous avons pu constater que la majorité des enfants vivant en famille recomposée vivent avec leur mère biologique. Ce lien est toujours privilégié dans les séparations, d’autant plus dans le cas d’enfants très jeunes. Elle représente la « base d’attachement », nous dit J.Bowlby. Dès sa naissance, la mère est idéalisée par l'enfant comme la personne qui peut répondre à tous ses besoins. La séparation et a fortiori la présence d’une belle-mère aura du mal à déloger cette croyance. « Les belles-mères d’aujourd’hui ne sont pas les mères adoptives d’hier où le veuvage était courant (dans le cas d’une famille de « deuxième lit » comme cela se disait). Les mères sont là bien vivantes et l’enfant, même s’il en a parfois le sentiment n’est pas abandonné ». Par ces phrases Catherine Audibert veut signifier la présence « fantomatique » de la mère au-dessus d’un lien possible entre l’enfant et la belle-mère. Ceci est évidemment valable lorsqu’il s’agit du père biologique versus le beau- père.

· Le conflit de loyauté : Cette question de la loyauté est directement en correspondance avec celle-ci-dessus. « Puisque j’aime ma mère et qu’elle est tout pour moi, comment puis la remplacer par cette autre femme ? Comment mon père lui-même fait-il pour l’aimer ? ». L’enfant est pris dans un conflit de loyauté pour ne pas blesser voire trahir sa mère. Ce conflit de loyauté peut se comprendre de la même façon chez l’enfant admirateur inconditionnel de son père vis-à-vis de son beau-père. Cela faisait plusieurs semaines que de retour du week-end « chez papa », Madeleine, dont on parlé plus haut, pique des crises envers sa mère qui dit ne plus la reconnaitre. Elle n’avait absolument jamais l’habitude de s’exprimer ainsi. Sa mère lui dit, après une énième crise : « Tu sais Madeleine, tu as le droit d’aimer Mathilde (la nouvelle compagne). Pour moi c’est ok ! Tu ne m’enlèves rien et cela peut multiplier tes raisons d’être joyeuse. C’est ok pour moi ! ». Madeleine n’a plus jamais fait de crises se sentant autorisée à aimer une autre figure féminine que sa génitrice. Celle-ci a réussi à dépasser le sentiment de trahison et ainsi libéré sa fille.

· L’estime de soi : Dans la place de beau-parent, l’estime de soi est dépendante du regard extérieur. Le regard de la société, par le vide juridique existant, devient celui des fantasmes collectifs autour de « beau-parentalité ». Accorde-t-on au beau-parent la bienveillance inhérente à la fonction de parent ? Peut-on penser qu’en qualité de beau-parent, celui-ci puisse être performant à élever un enfant qui n’est pas le sien ? Peut-t-il même l’aimer ? Toute cette pensée peut entamer l’auto-estime de la belle-mère ou du beau-père, se sentant comme des parents « au rabais », clandestins, fautifs, incompétents (« je suis sa mère, je sais ce qui est bon pour mon enfant »). Beaucoup d’aspects de l’auto-estime sont ébranlés par cette position non-définie. Comment se sentir à la hauteur d’un rôle dont on ne connait pas les contours ? Le regard du conjoint et parent bien sûr, aura une grande influence sur assurance nécessaire à définir sa place. Rosanne, dont nous parlerons plus amplement dans la troisième partie regrette : « Il ne me remercie jamais de ce que je fais pour ses filles ! C’est comme si pour lui je ne valais rien, j’étais juste la bonne de la maison ». Bien sûr les projections et interprétations de Rosanne doivent d’ abord être entendues en tant que telles pour l’amener progressivement à un autre point de vue sur la situation afin qu’elle retrouve une image positive d’elle-même. Le besoin de reconnaissance existe également dans le sens beau-parentß « bel-enfant ». Le nouveau conjoint qui accepte sa nouvelle fonction de beau-père ou de belle-mère, peut exprimer un besoin que l’enfant lui-même le « remercie » implicitement ou ouvertement, et quand cela n’arrive pas, créer une frustration génératrice de tensions au sein de la relation avec l’enfant et également au sein du couple.

· De marâtre à marâtre : C’est donc toute la confiance en lui qui est convoquée chez le beau-parent qui déploie des efforts pour harmoniser la nouvelle structure familiale. Il doit être soutenu dans cela, par tout l’entourage. Quelque soit la combinaison de la nouvelle tribu, chaque acteur doit être soutenu car chacun des rôles doit être inventé, créé, visité par des vrais choix, dans un jeu de miroirs parfois : notamment, lorsque les beaux parents sont confrontés à l’union de leur ex-conjoint et se retrouve dans la position de père ou mère d’un enfant vivant chez une « marâtre » ou un « parâtre ». Ils ne peuvent alors ignorer les sentiments de jalousie, de culpabilité… qu’eux même ressentent.

· Les biographies : Le passé amoureux de chaque partenaire, le quotidien familial antérieur laissent trainer des principes, croyances, habitudes, résistances, valeurs, besoins, identité, qui ont un impact certain. Leur remise en cause aussi bien que leur confirmation dépend du nouveau paradigme dans lequel cela se construit. Il a été dit plus haut que des deuils doivent s’enclencher. La nature du lien de filiation du parent/beau-parent avec son propre parent est un élément qu’il faut aussi prendre en compte dans l’accompagnement. Sans éluder les autres acteurs de la composition, attardons-nous avec Susann Heenen-Wolff, psychanalyste et psychologue, professeure de Psychologie, dans son ouvrage « La souffrance des marâtres », sur cet aspect, dans le cas de la belle-mère : « La marâtre n’est pas la mère, alors elle est quoi, qui? Dans un premier temps, elle est l’intruse. Elle entre dans le lit de l’homme, remplaçant ainsi de fait la mère (même si celle-ci est partie de son propre gré et depuis longtemps). Mais au niveau psychique, il n’est pas forcément clair pour elle de quelle mère il est question. Dans la réalité, il s’agit bien sûr de la première épouse de son compagnon, mais de façon plus latente cette situation peut renvoyer la belle-mère à la relation à sa propre mère, en lien avec son père à elle. La rivalité des deux femmes vis-à-vis d’un même homme peut résonner ainsi avec celle vécue par la petite fille face à sa mère pour l’amour du père. A cause de cette «confusion» inconsciente possible – souvent observée en situation clinique –, la «vraie» mère peut occuper l’esprit de la belle-mère davantage que ce à quoi l’on s’était attendu: malgré la fin définitive de cette première union, la belle-mère est alors habitée par des affects de jalousie et d’envie envers cette mère, et ceux-ci risquent d’interférer dans sa relation avec les enfants justement de cette

même mère » .

Ce que nous avons tenté de faire dans cet exposé, c’est de lister et de façon non exhaustive, les centres sur lesquels porter notre intérêt dans la relation d’aide apportée à un membre quel qu’il soit, d’une famille recomposée, notamment lorsque la demande du sujet est « d’être accompagné » vers une harmonisation des relations au sein de la famille. Les relations étant multiples et combinables à l’infini, il semble nécessaire de visiter l’objectif prioritaire du client, la relation primordiale étant celle du sujet avec lui-même.

Dans cette troisième partie nous présenterons une situation réelle de suivi d’une « marâtre », afin d’illustrer comment les outils de psychopraticien en relation d’aide pourront accompagner de la façon la plus juste possible cette femme qu’est Rosanne vers la reconquête de sa sérénité.


 
 
 

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