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Colette Grondin

Parentalité/Nouvelle Parentalité

Dernière mise à jour : 20 mai 2020

Comment suis-je "parent"?

Dans son livre « Libres pour apprendre », Peter Gray distingue trois types de Parentalité, qui ont dominé selon les époques et les lieux au cours de l’histoire de l’humanité.

La parentalité de la confiance

C’est celle des chasseurs-cueilleurs dont certaines sociétés (comme…) en sont aujourd’hui encore les représentants. L’éducation de ces tribus du bout du monde, se définit comme la transmission de la culture. Mary Martini, psychologue et chercheure, a observé de jeunes enfants sur L’île pacifique de Ua Pou et décrit un groupe d’enfants de 2 à 5 ans, passant plusieurs heures par jour à jouer sans surveillance, près des digues pierreuses de la plage, parfois avec des machettes ou des allumettes. Les parents interrogés sur les machettes et les allumettes ont assuré qu’ils les confisquaient régulièrement, pour que les machettes ne soient pas abîmées ou les allumettes gaspillées. Si l’on peut se dégager des peurs voire des jugements que ces récits peuvent générer chez nous, occidentaux, citadins, on peut alors mettre en exergue dans cette éducation la confiance des parents en leur enfant, pour jouer faire leurs découvertes, prendre leurs décisions, prévenir des risques et apprendre de leurs erreurs. Ses enfants sont libres certes, mais surtout autonomes, respectés dans leur individualité et leurs besoins. Les parents confiants soutiennent les enfants dans l’épanouissement qu’ils ont choisi pour eux-mêmes. Ce type de Parentalité, si elle correspond aux valeurs et nécessités de ces tribus de chasseurs-cueilleurs, correspond également à des besoins réels dans nos sociétés aujourd’hui : « Tu es compétent, tu es capable de comprendre les choses par toi-même et également d’appréhender tes limites de sorte de te constituer par toi-même tes ressources, on y intégrant l’aide dont tu as besoin. Tu es responsable de tes erreurs et tu peux en tirer les leçons. La vie en société n’est pas hostile, mais peut créer des collaborations où chacun peut obtenir ce qu’il désire, ce dont il a besoin ».

Ce sont autant de phrases que l’on pourrait entendre dans une formation de développement personnel, voire de séance d’induction mentale dans le cadre d’une relation d’aide, n’est-il pas ? Ainsi cette Parentalité de la confiance, décrite par Peter Gray, Mary Martini, et aussi Maria Montessori dans son essai « L’enfant », prépare le futur adulte à avoir un caractère indépendant autonome et toujours en croissance.

La parentalité aujourd’hui est confrontée à un paradoxe important : rendre l’enfant autonome dans un système directif où l’adulte pense ce qui est bon pour l’enfant. Comment être autonome si je ne sais pas qui je suis, si je ne sais pas ce qui est bon pour moi, parce que j’ai été éduqué à suivre les injonctions de parents et éducateurs qui savent pour moi ?

L’auto estime, la place et la connaissance du Soi, l’émancipation, la gestion des relations et des émotions, les questions d’identification et la communication, sont autant de thèmes que l’enfant expérimente dans une éducation confiante et positive, et autant de thèmes traités au cœur même d’une séance de relation d’aide. Nous traiterons cette question ultérieurement pour montrer que les outils de la Psychopratique sont aussi éducatives.

La parentalité directive à dominante dominatrice

A l’autre bout de l’axe de la parentalité, si on observe la place de l’adulte, parent ou éducateur, dans la croissance physiologique, psychologiques et cognitivo-comportementale de l’enfant, Peter Gray énonce la parentalité directive dominatrice. Ce style d’éducation est apparu historiquement parallèlement à l’essor de l’agriculture, donc après l’époque des chasseurs-cueilleurs, pour atteindre son apogée à l’époque féodale et au début de l’ère industrielle. C’est la question de la survie qui résolvait celle de l’obéissance au Seigneur et maître, puis aux patrons eux-mêmes soumis aux besoins économiques et aux réalités des marchés. Peter Gray dit : « Il ne s’agissait plus alors d’élever des adultes libres et indépendants, mais de façonner des individus assujettis et, assujettis au travail et ses nécessités ». La parentalité de ce style consistait à conditionner les enfants à obéir et les violences physiques et psychiques étaient les outils éprouvés par les éducateurs et parents pour asseoir leur parentalité et autorité. « Comme nous avons pu le voir l’éducation ne passe pas avant tout par la parole mais par l’action et quand elle se traduit par des paroles, celle-ci doit être des ordres… Le fait est que dans l’ œuvre de l’éducation, l’établissement d’une saine discipline ne pourra jamais se passer du châtiment corporel. Son emploi précoce et énergique est le fondement même de toute discipline, car c’est avant tout le pouvoir de la chair qui doit être brisé » Encyclopédie de l’éducation de l’enseignement 1887- cité par Alice Miller dans son ouvrage « C’est pour ton bien » sur les racines de la violence dans l’éducation de l’enfant. Nous voyons donc que les experts en éducation jusqu’au début du 19e siècle prônaient ce style dominateur, inhérent à la société construite depuis les chasseurs-cueilleurs. Cette violence éducative physique a été ensuite, ou parfois, ou encore, remplacée par des violences psychiques : leur faire sentir la honte, la culpabilité, les menaces de les abandonner (et les contes traditionnels sont remplis d’expériences de ce genre) sont les moyens efficaces, en vue de la soumission des enfants aux parents. Alice Miller, psychanalyste spécialisée dans la recherche sur l’enfance et sa relation à la famille, tient pour racine de la violence sociétale ce type dominateur d’éducation. Elle cite et analyse dans son ouvrage trois portraits d’enfance massacrée : celle de Christiane F droguée, prostituée, celle d’un jeune infanticide allemand, et, celle inattendue d’Adolf Hitler. La parentalité par la soumission, qui a pour but de faire de l’enfant un être obéissant, produit une société violente, née de la révolte intérieure du soumis contre son maître, et ce, pour une raison de vitalité intérieure : l’aspiration à une liberté d’agir et de penser, qui est une pulsion créatrice si forte que les émotions générées et étouffées de colère, d’injustice, de rancœur, gonflent jusqu’au débordement dans la violence envers les autres ou envers soi-même.

Là encore l’envie est forte de faire un « gap » entre le traitement psychothérapeutique ou psychopratique et l’éducation, la pédagogie : les outils en psychologie ne viennent-ils pas accompagner ces problématiques la plupart du temps ?

On ne peut voir là, une justification à la violence retournée contre l’autre ou soi-même mais bien une explication forte qu’Alice Miller a proposé tout au long de son engagement pour l’enfance, jusqu’à l’excroissance d’une « loi contre la fessée », qui sera énoncée aux futurs parents dans la lecture du Code civil lors du mariage. On apprend qu’avec cette proposition de loi, la France sera le 55e pays à interdire les châtiments corporels.

La parentalité directive à tendance protectrice

Les parents directifs et protecteurs, n’ont pas pour objectif d’asservir leurs enfants comme le faisaient les parents directifs à tendance dominatrice. Ce sont leurs propres peurs et leurs propres blocages qui les poussent à prendre eux-mêmes, des décisions concernant leurs enfants, en tenant pour acquis qu’eux savent ce qui est bon, qu’eux savent comment on doit faire et que, avec la meilleure intention du monde, leur progéniture sera indemne de toute épreuve dans la vie, de cette façon. Finalement, ils privent leurs enfants de leur liberté d’agir et d’expérimenter. Ils les considèrent comme fragiles voir incompétents, et les démunissent ainsi de leur confiance en eux, leurs ressources internes. On assiste aujourd’hui à un retour à cette forme d’éducation. Les changements de société ont conduit les parents à de plus en plus d’inquiétudes quant à la sécurité et à l’avenir, et, à penser que, plus le chemin est soigneusement balisé pour eux et mieux les jeunes pourront s’épanouir. Ils se donnent pour devoir de régenter la vie de leurs enfants.

Voici l’exemple de S. aîné d’une famille de 3 enfants, qui a appris à lire à 3 ans avec son père, à la maison, en lui faisant réciter chaque soir son alphabet depuis l’âge de 2 ans. Les parents de S. voulaient qu’il fasse des études d’ingénieur, car, affirmaient- ils, c’est avec ce niveau de diplôme qu'il trouverait plus facilement du travail. Le père avait essuyé 2 ans de chômage dans la petite enfance de S. Il entre en primaire avec un an d’avance et, suivi par son père dans les matières scientifiques, et sa mère dans les matières littéraires, il gagne encore une année en secondaire. Après les cours, l’emploi du temps de S est organisé par ses parents pour lui donner la possibilité d’explorer d’autres savoir-faire : judo le lundi et le samedi, natation le mardi, gymnastique le mercredi, chant choral et guitare le mercredi après la gymnastique, solfège jeudi. Il n’avait pas le droit de regarder la télévision sauf pour les documentaires animaliers qui le passionnaient. Lorsqu’il avait une lecture donnée par un professeur de français, il était invité à étudier l’auteur dans le maximum de ses œuvres, et d’en faire un compte-rendu. Ces parents se disaient fiers de la culture générale, de la connaissance et des capacités sportives et musicales de leur fils. S. perd son père à 14 ans. Le rythme de son cursus scolaire ne change pas. Il réussit son bac à 16 ans avec mention et à partir de son cursus universitaire, bascule dans une dépression qu’il évacue dans la drogue. Il n’a aucun diplôme universitaire, se dit « fatigué de vivre » aujourd’hui, même s’il trouve un équilibre avec son groupe de musique et les consultations chez son psychologue depuis 10 ans.

Ce cas n'est pas une fiction. Je connais très bien S. Ses parents avaient peur que la société impose des échecs à leur fils et voulaient parer à toute éventualité, en l’incitant à acquérir un éventail très large et équilibré de compétences utiles à se faire une « belle » place dans la société.

Le cas de S. pourrait paraître extrême, s’il ne nous rappelait pas les données sur le taux de suicide des mineurs Japonais, pressurisés par les obligations scolaires et sociales.

La surprotection a pour cause principale l’anxiété des parents non seulement quant à l’avenir mais aussi quant à la prise en charge du bonheur de leur progéniture. Ils ont peur qu’ils ne soient pas heureux sans leur propre intervention, peur qu’ils vivent la frustration, la violence, humiliation, le rejet, à 10 ans ou à 25 ans. Beaucoup de parents ont le syndrome du « parent hélicoptère », la plupart du temps en vol stationnaire au-dessus de leurs enfants prêt à plonger au moindre grain de sable dans les rouages de leur vie.

Dans la description des différents types de parentalité, il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de jugement ou d’intention de juger les parents, qui dans chaque cas, apparaissent comme dépassés, anxieux, ou trop ou pas assez libéraux. Le constat, bien plus large, veut mettre en évidence la difficulté d’être parent. On ne sait plus éduquer diront certains, mais a-t-on un jour su ? Aldo Naouri, appelé « le pédopsychiatre qui soigne les parents » répond dans un article des Grandes Conférences Catholiques sur la difficulté d’être parent : « Pourquoi est-il si difficile d’être parents ? Pourquoi ? Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver à la question une tonalité douloureuse. Et, à tout le moins bien singulière ! Dans la mesure tout au moins où elle est une question actuelle. Très actuelle. Essentiellement actuelle. Une question récente Je veux dire que même si elle interroge, sur un mode pertinent, une condition qui semble avoir été de tout temps vouée à l’échec, elle ne s’est posée et n’a pris son ampleur que très récemment. Croyez-vous que les parents de l’Antiquité qui sacrifiaient leurs enfants ou qui les soumettaient à l’ordalie se la posaient?». Et Aldo Naouri propose cette solution : « Comme pour remplir leur tâche, les parents doivent éduquer leurs enfants, autrement dit leur apprendre à refouler et à accepter la frustration, et que leurs enfants sont naturellement soumis, pour leur part, à la tyrannie de leurs pulsions, ces parents sont immanquablement vécus par leurs enfants, comme les agents de ce qui semblera avoir « manqué…Un résultat très positif en réalité, même si personne ne veut le croire et qu’on cherche à faire croire le contraire. Puisque les enfants qui ont « manqué » chercheront à compenser leurs « manques » et développeront une dynamique positive exemplaire. ». Solution qui vient à l’encontre des théories de la parentalité de la confiance, éduquant non par la transcendance de la frustration mais par l’expérience personnelle.

C’est l’histoire de la société qui dessine le parent. Ce sont ses exigences, les adultes dont elle a besoin, la manière dont elle évolue, qui dicte leur conduite à des mères ou des pères, eux même éduqués dans un tout autre environnement sociétal. Trouver une ligne de conduite du parent reviendrait à oublier la singularité et de l’enfant et celle de l’adulte. Le « autant d’enfants que de manière d’éduquer » est prôné par certains spécialistes de l’éducation ou de la pédagogie. Cette dernière et d’ailleurs qualifiée de différenciée quand elle prend en compte chaque individu dans sa spécificité et quand elle s’adapte à chacun. Ceci demande une connaissance accrue de l’enfant et, un apprentissage de ce qu’il est par lui-même, pour aller vers son autonomie. On pourrait ajouter autant de pères et de mères, autant de regards posés sur l’enfant et de façons de les accompagner.

Depuis plusieurs décennies, la parentalité constitue une question majeure dans la sphère médico-psycho-sociale. Beatrice Lambay introduit son article « Soutenir la parentalité pourquoi et comment » par : « La parentalité serait une des principales problématiques auxquelles sont confrontées les sociétés actuelles, le rôle le plus important auquel doit faire face de nombreuses personnes sans le moindre soutien ni la moindre préparation». Les problèmes de parentalité auraient d’importantes conséquences en terme de santé publique et seraient largement associés aux troubles du comportement, aux conduites à risques, au troubles psychiques, à l’abus de substances psychoactives, à l’absentéisme, l’échec scolaire, la délinquance, la criminalité… [Pool 2003 - Stewart Brown 2008- cités par Béatrice Lambay.

Bien loin de vouloir faire peser sur les parents la responsabilité de tous les maux de la société, ces études soulignent l’importance de cette fonction et recommande la mise en place d’actions pour la soutenir (Haut Conseil de la population et de la famille. 2003 – Haute autorité de la Santé.2005 – Ministère de la famille. 2002 – Organisation mondiale de la santé. 2008). L’OMS a mis en place une étude transculturelle qui s'est axée le rôle des parents. Cette étude répartit les rôles parentaux autour de cinq pôles, dont chacun exerce une influence spécifique sur la santé de l'enfant et son évolution : 1. liens familiaux : affection 2. Surveillance des comportements : limites 3. Respect de la personnalité : respect 4. Modèle de comportement : modèle 5. vie quotidienne et protection : assurer. Les conclusions et recommandations aboutissent à offrir à la fois des informations, des compétences, un soutien et des ressources

Nous avons vu dans cette première partie comment pouvait être analysée et traitée la question de la difficulté d’être parents. Si le comportement parental a évolué, on peut mettre également en miroir l’apparition de nouvelles formes de famille.

De la famille nucléaire ou traditionnelle hétérosexuelle, modèle toujours prédominant, à la famille recomposée, majoritairement issue d’un ou deux divorces, les questions de la parentalité ne peuvent avoir les mêmes résonances.



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